Les
manuscrits des anciens – troisième
partie -
Du
nouveau sur le rongorongo :
2005-2006 : Lorena Bettocchi analyse les
manuscrits du Rongo Metua
et
découvre la tablette qui naquit de cet
atelier.
Les pages
suivantes sont consacrées :
·
aux derniers manuscrits analysés par
Lorena Bettocchi, professeur retraité
de l’EN étudiant l’épigraphie
rongorongo depuis 1992
·
aux publications qui ont suivi.
Tout
à commencé avec de curieux évènements
:
Septembre
2004 : A la suite de mon intervention à la 6e Conférencia
Internacional Rapanui y Pacifico de Reñaca (Chili) organisée par l’Université
de Valparaiso et la Easter Island Foundation,
je présente une autre thèse que celle de Steven Roger Fisher, autre
que son acception du chant de la création et symboles phalliques d’un collègue
nord-américain enfant chéri de la EIF. (cf. www.rongo-rongo.org).
L’organisateur
du colloque, José Miguel Ramirez Aliaga,
curieux des recherches de cette
petite mamie Française discrète, me propose un projet de coopération avec
le Centre d’Etudes Rapanui de cette même université. Nous
concrétisons par écrit un projet de programme bilatéral en octobre
2004 qui engage l’Univesité. Le contenu comprend principalement la
traduction en castillan de mes recherches. Pourquoi ? Parce que mes sites
internet sont visités par les Polynésiens locuteurs de la langue française,
mais aussi par les principaux intéressés, les Rapanui, locuteurs eux de
l’espagnol. Ayant visité
Rapanui en octobre 2004, j’avais discuté,
avec les principaux intéressés du rongorongo, de cette difficulté d’étudier
mes sites et de ne pas pouvoir profiter de mon travail. Donc le contenu du projet de programme
bilatéral était de traduire tout cela en espagnol. La tâche représentait un très important volume de travail et le professeur JM
Ramirez devait respecter sa parole et
sa signature à ce sujet… nous y reviendrons dans une page spéciale :
bilan d’une année passée au Cientro de Estudios Rapanui de la Universidad de
Valparaiso.
L'un
des cinq points du programme était : approfondissement du répertoire de
Monseigneur Tepano Jaussen. J’avais étudié ce répertoire en profondeur, et chaque page comportait
toutes sortes d'erreurs en linguistique… Lorsqu’il observa les documents que
je tirais à l’imprimante et la morphologie des signes des pages
imprimées, l’archéologue me dit
posséder dans sa doc. personnelle quatre photos qui pourraient m’intéresser.
Il revint le lendemain avec un classeur noir et des photos qui m’ont aussitôt
rappelé les manuscrits de Old Ones.
Les photos avaient au dos
un numéro d’inventaire. Il me confirma
qu’en effet c’étaient des documents d’archives arquéologiques mais se refusa
de me donner leur provenance et pourquoi elles se trouvaient dans sa doc
personnelle… Il me manquait donc, dès le départ les donnés sur l’origine des
documents. Mais les Atua m’ont aidée…
Au bout d’une semaine je sus que je n’étais pas venue inutilement au
Chili, loin de ma famille. Mon destin
une fois de plus s’unissait à celui des Pascuans. J’avais dans les mains 4 documents qui allaient
révolutionner tout ce qui fut auparavant écrit sur les Rapanui. Mes conclusions furent publiées par un
Alexis Duprel dans Tahiti Pacifique Magazine en septembre 2006 (numéro 185)
confirmées par les Actas de la VI Jornada Historica de los Museos Maritímo de
Valparaiso. Les actes du colloque viennent de sortir.
Pour publier au Chili, j’ai subi toutes
les entraves à la communication de la part de ceux qui m’avaient fait venir.
Mais une chaine se mit en place, selon l’une valeurs de notre république, la
fraternité. J’avais découvert que le
Chili s’intéressait au problème de cette si mystérieuse écriture, je demandai donc la résidence définitive au
Chili, afin de déposer mes textes d´études
et thèses à la DIBAM (Direccion de Bibliotecas, Archivos y Museos, registro
de Propriedad intellectual, Santiago de Chile). Enfin le film réalisé avec
France Télévisions me donna de la crédibilité et me permit de publier, car je le présentais
en même temps que les dossiers. Les groupes d’historiens chiliens
sélectionnèrent mes publications (cf. www.isla-de-pascua.com).
Avec ces amies chiliennes et ces amis français
ou amis de la France, j’ai donc l’honneur de présenter aux internautes
étudiants en langues polynésiennes,
les documents inédits du Rongo Metua.
C’est ainsi que j’ai nommé le
nouveau manuscrit
F, 4 pages
seulement que j’ai eu la chance
d’analyser. Je suis certaines qu’il y en a d’autres.
Rongo Metua (Message des Anciens) adressé aux futures
générations :
« Voici comment était structurée notre ancienne
écriture, voici comment
travaillaient nos anciens : en sémantique, car la langue maori est
riche en s »
Ka oho mai nga manu, Rongo Metua no te nga poki, Te ite
te Tai’O
Ka-haka rahi i
roto te tai matamua, rongorongo ingoa,
ka-haka rahi O te vananga-Tui,
Ka oho mai nga manu, nga vie Rapanui, Tangata rahi, i
roto
Haka
rahi Maori, haka ki te rangi, ki te vai, ki te henua, ki te mata o te
kainga,
He
timo te akó-akó, te akó-akó timo
Te ako-ako o nga Tangata Rahi Arturo Te Ao, Juan Araki,
Gabriel Veri-veri…
Tangata Maori rongorongo matahiti 1936
Ka oho mai i mui
aamu marama roa
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Corrections des
Anciens : Les signifiants sur papier
abîmé par le temps, sur des lignes tracées à la main sont classés approximativement de la même
manière que le répertoire de Monseigneur Tepano Jaussen
page 21- en respectant les colonnes, (sans les titres et la traduction en langue
française). L’ancien a
redessiné les signes et indiqué des
signifiés, groupes verbaux, nominaux ou phrases, qui lui semblent les mieux adaptés. Il en
a carrément éliminé certains (ex. tangata avec un pied à la place de
la main). Pour te huare, le premier-né, ou premier fruit du
mariage (très jolie expression), il dessine le fruit. Pour vie takona (femme tatouée, mal traduit dans le répertoire Jaussen
par femme coiffée), il fait apparaître dans un dessin le sexe proéminent de la femme. Nous connaissons
la coutume rapanui de tirer afin de les allonger, les lèvres du sexe des filles.
Sur la droite l’Ancien introduit le rongorongo à la gloire de ses
ancêtres Tuu Maheke fils de Hotu Matua premier roi et Maori rongo-rongo, et
de sa grande (nui) famille généalogique (mata) la tribu Miru, descendant de Hotu
Matua... « Ko Tuu Maheke a Hotu Matua Ko Miru Ko te Mata Nui a Hotu Matua”
Ce document nous
donne à penser qu’il s’agit d’un
atelier secret et de Maoris rongorongo car il y a
une introduction avec un rituel classique, propre aux usages polynésiens,
propre à tous les travaux académiques polynésiens, anciens et actuels.
L’écrivain ou son maître est
certainement l’un des derniers Maori Rongorongo : c’est un
initié qui met l’atelier sous la protection des ancêtres, c’est un
Miru gardien de la tradition.
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Corrections des Anciens :
Les signes sont classés approximativement de la même manière que
l’ouvrage édité page 22 en respectant les colonnes mais en occultant ou en rectifiant
les tracés. Pour les signifiants
terre, le ou les auteurs corrigent un signe à peu près identique à
matariki, mot qui désigne les Pléiades.
On
propose des différences en sémantique comme mahina (lune, ma lumière
de Hina déesse de la Lune) au lieu de marama (lune, mois, tribu de Rapanui)
et kainga (terre nourricière, ou trajet en direction de la terre lors des
voyages des pirogues) au lieu de henua (terre-mère). Pour les Pléiades Matariki (petites
mailles du filet de Maui) on
redessine 7 éléments (mata) ce qui est juste en astronomie, le
minuscule rond qui accompagne le signe pourrait signifier étoiles,
hetu’u, mot doublé signifiant deux
ou pluriel.
Pour te mata o te kainga, notons
que la tablette d’origine, la Keiti contenait ce signe avec quatre éléments. Le répertoire Jaussen l’actualisait avec
six éléments. Si la Keiti fut gravée
lorsque l’île ne comportait que quatre tribus, cela pourrait signifier que
la tablette était très ancienne. Malheureusement aucune datation n’est à présent possible car la tablette
a brûlé lors de l’incendie de la bibliothèque de Louvain durant la guerre
14-18. Donc, dans he mata o te
kainga, les tribus de la terre (et
non les yeux de la terre !),
les anciens ont actualisé et
signalé 8 tribus au lieu de 6, ce qui représente les 8 tribus décrites par le P. Sebastien Englert (p. 44
La Tierra de Hotu Matu’a). Voici ces tribus : Miru, Haumoana,
Ngatimo, Marama, Ngaúre, Ure O Hei, Tupahotu, Koro-Orongo.
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Corrections des Anciens : Les signes sont classés de manière plus destructurée que
l’ouvrage édité, en respectant moins les colonnes. Il en manque (cela
est dû à l’usure du papier) ou bien
se retrouvent sur la précédente
photo. Mais on reconnaît bien la suite du répertoire Jaussen pages
23 et 24.
Certains signifiants et leurs signifiés sont volontairement éliminés
et pour cause ! Ce sont les oiseaux : manu rere, manu ura arere,
manu kahua oroaaroa et manu moe.
Et nous pouvons
comprendre : si les ancien Rapanui introduisent le rituel en démarrant
l’atelier, ils ne peuvent accepter
la retranscription totale de la page 24
car il y a une interprétation erronée. Il s’agit du signe oiseau page 24 : manu kahua
aroaroa c’est-à-dire
oiseau-anus-troué-grand.
D’autre part on nous signale que le terme Moa peut signifier un
sage : Moa tanga. Intéressant en sémantique pour les signes moa.
Il manque également quelques signes concernant les poissons, les
signifiants et les signifiés de la tortue.
On croirait repérer une
parole dérivée de l’espagnol he atu au lieu de kahi (thon).
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Corrections des Anciens: Les
signifiants apparaissent différemment
classés par rapport au
répertoire de Monseigneur Tepano Jaussen.
Il en manque, car le papier est abîmé en ses bords mais on reconnaît la suite du
livret page 25. Parfois les groupes diffèrent, les anciens ont choisi ce qui est juste ou non,
donnent d’autres signifiés et donc
continuent à travailler en sémantique.
Cette page est très intéressante car le groupe rectifie les erreurs par rapport aux
signes. Ex : pour mago niuhi (requin à tête ronde ou parfois
requin-marteau) traduit par phoque dans le répertoire Jaussen ; on
nous propose mama (coquillage au lieu de pakia, phoque).
On a reclassé Ika moe page
poissons (doc 3), on a rajouté deux
graphismes signifiant rigariga-pea (ringa pea, algue marine)
Et…
très intéressant… on
trouve sur la même ligne ura la
langouste et la langouste qui bouge ura oho.
Mata nahe, yeux d’oursins, est changé par hetuke (sorte d’oursin) et le
signifié correspond davantage au signifiant ...
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L’époque ou datation est
donc difficile mais postérieure à la venue du Père S. Englert en
tant que linguiste. Mais elle n’est pas impossible car
une page du manuscrit d’Estéban Atan nous indique l’époque de ces
ateliers : nous pouvons dire
après la venue de l’expédition
franco-belge avec Metraux et Lavachery,
autour de 1936, avant
qu’Arturo Te-ao ne quitte ce monde…
En linguistique
toujours :
J’ai constaté que
le groupe a fourni des signifiés en langue rapa-nui en respectant
l’orthographe. On a ajouté le he
(désignatif ou article défini) au lieu du te cité dans le répertoire édité.
Devant les articles numéraux on met le e et non le he (e toru ariki tohuga)
ce qui est correct et devant les noms patronymiques le désignatif ko. Tout
ceci est impeccable du point de vue grammatical.
Voyez
ces corrections en détail en cliquant ici
Et puis le plus extraordinaire est
l’image ci-dessous : Gabriel Veri-veri avait encore l’usage de
ses mains car il tailla la tablette qui
donna à cet atelier l’identité de l’écrivain. Les Rapanui savent qu’il ne travailla pas
seul. Les mauscrits se firent á plusieurs mains mais ces quatre photos et
la tablette du Museo de Historia Natural de Valparaíso sont de la même
main. Merci à l’archéologue Cristian Becker Arvarez de m’avoir invitée afin
de l’analyser. Il m’a fourni les référence et l’histoire : lorsque le
Musée fut détruit à la suite du tremblement de terre de 1960,, on fit appel
aux donateurs afin de refournir le fonds documentaire et artistique de
l’Ile de Pâques : un jeune sergent Martin Gomez Diaz offrit cette
tablette qui devint historique le 19 octobre 2006. Le sergent signala
qu’elle avait été gravée par Gabriel Veri.veri et ce renseignement existe
sur la fiche technique. Cette
tablette ne peut être incluse dans la série des ITEMS (25), mais dans les
tablettes historiques. Elle est fort
belle.
Tablette de Gabriel Veri-veri – Courtoisie Museo de Historia Natural
de Valparaiso
Linguistes de la famille
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commentaires à lorena@rongo-rongo.com
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