Les manuscrits des anciens – deuxième partie
© Lorena Bettocchi
1956 - 1978 : Thomas Barthel analyse les manuscrit
des Old Ones. En 1958, Thomas Barthel
publia un condensé sur le rongorongo qui est notre ouvrage de référence à
tous. Il voyagea à travers le monde pour effectuer le relevé des tablettes et
personne, hormis ce scientifique allemand n’avait autant que lui connaissance
de la structure des signes et de l’écriture des tablettes.
Lorsqu’Imbelloni étudia la pierre avec écriture approchant rongorongo de
la collection Reed, Barthel répondit par un diagnostic exact. Actuellement le
CEIPP a revu et corrigé son répertoire, car les recherches ont avancé.
Barthel avait-il tenté la lecture des tablettes, en essayant de décomposer
les signes et de les codifier, puis de leur attribuer une valeur ? Actuellement, nous ne recherchons plus cette
lecture. Notre compréhension de la structure du rongorongo a évolué. Une
figure du rongorongo classique est composé de groupes nominaux, verbaux, de
phrases. La figure est le signifiant
auquel correspondent plusieurs signifiés. La recherche en linguistique
s’appelle : sémantique. Je n’irai jamais plus loin que le stade de la
sémantique.
Par contre la connaissance globale des signes amena Thomas Barthel à des
conclusions au sujet des manuscrits de Old Ones, analyses qu’il ne m’a pas
été permis de vérifier totalement , faute de la collaboration de
l’Université de Tübingen qui détient la copie de l’un d’entre eux , le
manuscrit E de Pua Ara Hoa. Dans certaines de ces
pages Barthel aurait rencontré : ·
des glyphes se rapprochant du « répertoire des signes boustrophédon
des bois d’hibiscus intelligents » de Monseigneur Tepano Jaussen ·
des signes qu’il a appelés Tori, ·
et des segments de la tablette de Londres (item K) et de la Aruku Kurenga
(item B). Voyons
les lignes de signes sur les cahiers des Old Ones : Selon Thomas
Barthel, il apparaît en effet sur cette première page non boustrophédon,
élaborée par ce groupe d’anciens animé par Arturo Te Ao Tori, que le
répertoire de Monseigneur Tépano Jaussen apporté par Alfred Métraux ait été
reproduit. Thomas Barthel avait analysé les signes, sans trop attacher
d’importance à la sémantique car chaque groupe de signe était comme le
répertoire Jaussen, suivi de traductions en langue rapanui ancienne. J’avais bien retrouvé sur cette page, en effet, les
signes du répertoire Jaussen,
ceci il y a plusieurs années et j’avais analysé les traductions en français des récitations de
Metoro devant l’évêque. Il y avait beaucoup d’erreurs dans le
répertoire. J’avais donc repris et étudié les récitations de
Matoro, relevées par Barthel et Jacques Guy sur www.rongorongo.org.
Les cahiers furent
recopiés à la demande de la famille ou de l’ami très cher qui les méritait.
Cela resta entre initiés. Ils furent protégés, cachés, car les Pascuans,
incompris ne pouvaient les diffuser sans la crainte d’être, une fois de plus, soupçonnés de mentir
sur leur propre culture. Thomas Barthel
fut honnête homme. Il écrivit qu’ils comportaient des données en méthodologie
mais ne les publia point. Il leur accorda de la valeur mais en tant que
documents. Il a fallu que je découvre les quatre photos de anciens, que
je fasse la comparaison avec mes études du répertoire Jaussen, et, ayant tous
les outils en mains, il m’a été permis de reconnaître que les ateliers des
anciens furent des ateliers de linguistes. Ils proposèrent des corrections du
répertoire Jaussen. Mais ceci, je le découvris et le publiai en 2006,
c’est-à-dire 50 ans après les découvertes d’Heyerdahl et de Barthel. Les
familles rapanui me soutiennent avec un sentiment de reconnaissance, mêlé de
gravité. Je leur dois bien cette marque d’amitié. Je ne réhabilite pas
seulement la mémoire de ceux qui détenaient les manuscrits, mais celle
des malades de la lèpre, isolés, qui travaillèrent à ces ateliers
initiatiques. Ce furent les uniques Maoris rongorongo du 20e siècle. Ils se
consacrèrent aux futures générations. En 1997, alors que je prenais un
vol pour Santiago de Chile, j’ai rencontré à l’aéroport mon amie
Judith Pakarati Hereveri. Hereveri est l’orthographe actuelle de Veri-veri.
Elle est donc de la famille de Ure Po Tahi, le premier catéchiste, petite
fille de Santiago Pakarati et sa maman avait pris pour époux un descendant de
Tomenika Vaka a Tea-Tea, grand père de Gabriel Veri-veri. Judith savait que le répertoire de Jaussen comportait
des erreurs. Comment savait-elle
sinon par des informations familiales ? Et Mario Tuki Hereveri, qui un jour me
dit « qui te dit que les paroles sacrées se perdirent ? Il y eut
des Rapanui qui revinrent de captivité, ils apprirent aux jeunes de l’époque… »
. Je lui demandai s’il pouvait le prouver : il me répondit « c’est
notre culture, ne te mêle pas de notre culture : toutes les fois que des
occidentaux ou des nord-américains s’en sont mêlés, ils ont déformé
l’histoire et la vérité ». J’ai évité de transformer l’histoire
et tenté de rétablir la verité,
et j’espère de cette manière leur avoir fait honneur. Les derniers Maori rongorongo du
20e siècle corrigent le répertoire de Monseigneur Tepano Jaussen |