LES PIERRES DE L’ÎLE DE PÂQUES GRAVÉES D’ÉCRITURES

© Lorena Bettocchi

 

Sauvegarde DIBAM  Direccion de Bibliotecas Archivos y Museos  Santiago de Chile

Tesis - estudios

Chapitre III

Recherches bibliographiques sur la pierre Reed.

 

·           Imbelloni et Barthel 

 

L’Argentin Imbelloni, le Belge Van Hoorebeck et le  Nord-Américain Steven R. Fisher ont   publié des données sur la pierre REED.

 

Le premier, José Imbelloni[1]  fit  une étude descriptive publiée dans Runa en 1954. Il venait de correspondre au sujet de l’objet, avec le propriétaire, le Dr Edwyn Reed[2], médecin à Valparaiso[3]. Il mentionna que le Docteur Reed était sceptique quant à l’authenticité de la pierre, obtenue par son fils  Fernando Reed, capitaine de la marine chilienne durant un voyage à l’Île de Pâques, 4, 5 ou 6 ans auparavant. Ce qui remonte à 1948, 49 ou 1950. Le donateur était Juan Tepano[4],  Pascuan connu, guide de bien des ethnologues et archéologues.

“Il assura qu’il la détenait de son grand père et qu’il ne savait rien de plus”. “Mais, ajoute le consciencieux Dr Reed, je n’en ai vu aucune dans les mains de privés, ni ne sais s’il y en a en ce moment dans l’île. Jusqu’à quel point pouvons-nous accorder du crédit aux dires des Pascuans, vous savez bien qu’ils sont très menteurs”[5].

Imbelloni décalqua le  relevé des signes, recto et verso. Il  poursuivit ses recherches  en écrivant à Thomas Barthel, qui, nous le rappelons,  n’avait pas encore publié son ouvrage sur le rongorongo[6]. Tous savaient qu’il travaillait minutieusement à son catalogue des signes rongorongo et au corpus. Imbelloni reçut sa réponse en date du 1er juin 1954 : Barthel avait  reconnu les signes relevés et envoyés par Imbelloni. 

 

Voici l’extrait de ce courrier (traduit par Imbelloni en espagnol et par moi-même en français) et l’analyse de Th. Barthel, point par point : sans mettre en doute la parole du scientifique, j’ai repris tous les points de son analyse pour les comprendre, ce qui m’a permis de les vérifier et de trouver autre chose encore. Je propose des critères d’évaluation supplémentaires et des conclusions indépendantes de celles de                  Th. Barthel, mais qui s’y rapprochent considérablement.

 

 

 

 

Contenu du courrier de Thomas Barthel

 

Vérifications   et  commentaires

 

1) Une confrontation avec le catalogue des signes, a donné comme résultat que le texte de cette pierre correspond aux lignes 7 et 8 de la face  antérieure de la tablette Tahua (A) : une partie de ladite ligne correspond au texte 3-2-1 de la pierre, une autre section se rapproche du texte 3-4-5.

 

2) Dans la Tahua, les signes de chacune des grandes lignes sont situés exactement tête contre tête. Dans la pierre la transition d’une ligne  à la suivante  se fait en oppositon à la règle d’écriture du rongorongo[7], les lignes se suivent selon notre systeme actuel de lecture.

 

3) La comparaison avec les signes de la Tahua nous enseigne d’autre part que les signes  ont été reproduits souvent sans soin, avec des erreurs, omissions et répétitions.

 

 

4) Contre l’hypothèse de son authenticité se dresse le fait que deux extraits de la tahua R (Recto)  ont été relevés, deux extraits qui n’ont aucune relation l’un avec l’autre.

 

 

5) Nous pouvons déduire, selon la forme des signes, l’ordre des lignes et le choix du texte, que l’auteur n’était ni initié, ni familier des particularités de ce système graphique[8].

 

6) Les signes de la pierre proviennent en majeure partie d’un livre de divulgation populaire de Schulze-Mazier, Die Osterinsel. Page 21 figure le dessin d’une tablette non determinée, laquelle parait découler d’une copie de la partie mediane antérieure de la tablette tahua,  et de sa  partie gauche postérieure. Les deux lignes supérieures du dessin coincident avec le texte de la pierre. Les sections de la tahua identifiables dans la pierre repètent la forme et la manière de transcrire de ce livre.

 

7) Le point de départ pour les lignes 3-2-1 se trouve bord gauche de la ligne 2a en son bord supérieur. Et les lignes 3-2-1 dans le bord droit de la ligne supérieure. En partant de là, on a copié quantité de signes plus ou moins complets, ainsi que le permettait  l’espace de la pierre.

 

 

8) Enfin le même livre contient l’explication des 4 figures de l’autre face, les trois hommes oiseaux et l’oiseau marin page 153, figures 16-19 ...

... on trouve ces représentations y compris dans une position identique.

En résumé je suis arrivé à la conclusion que cette tablette de pierre  est l’œuvre d’une falsification dont l’auteur a trouvé l’inspiration dans le livre de Schulze-Mazier.

Ce livre parut aux environs de 1932, ce qui veut dire que la pierre fut sculptée postérieurement à cette date.

 Elle ne peut s’inclure dans le corpus.

 

Les plus cordiales salutations de votre                     Dr T. Barthel.

 

1) La rame Tahua fut envoyée à  Monseigneur Tepano Jaussen en 1871. Elle est en Fraxinus excelsior ou fresne d’Europe. Barthel effectua le classement de tous les objets rongorongo:  la tahua est l’Item A de son  catalogue.

 

 

 

2) Avis contraire : les lignes ne se suivent pas selon notre système de lecture gauche/droite car le graveur a opéré de droite à gauche en remontant vers le haut.

 

 

 

3) Exact. Et parfois, en visualisant 1 signe, le graveur l’a décomposé : pour mieux utiliser l’espace et la ligne, il en a gravé 3.

 

 

 

4) Précision complémentaire : en 1954 Barthel travaillait à son catalgue provisoire.  Il s’agit des signes du verso de la tahua dans le répertoire définitif de Barthel, publié en 1958.

 

 

5) Autre avis : Hypothèse d’un document relevé d’après le livre de Schulze-Mazier.  Sur feuille libre ou cahier. Signes typiquement déformés...

 

 

6) Il s’agit de la fig. 21 et non de la page 21.

Autre avis : Dans la fig. 21 du livre de Schulze-Mazier, la tablette non déterminée découle de la partie droite du recto et la partie médiane gauche du verso de la Tahua ou ITEM  A – doc Barthel 1958.

 

 

 

 

 

 

 

7) Confus : cela est peut-être dû à la traduction d’Imbelloni….

Départ bord droit fig. 21 : le graveur utilisait-il le livre à  l’envers ? Soit qu’il ne savait pas lire, soit qu’il utilisait une feuille qui recopiait la fig. 21

 

 

 

 

8) Exact. Figures 16-17-18-19, page 193

Assez déformées, incomplètes. Comme si elles avaient été relevées au préalable avec de nouvelles dimensions.

Différences avec Shulze-Mazier dans les tracés. 

Donc les figures ne furent pas reproduites  à    100 %. 

 

 

Barthel détermine les 24 objets gravés de rongorongo classiques en 1958 :

 

 

LE CORPUS INSCRIPTIONUM PASCHALIS INSULAE

 

 .

 

 

 

 

 

·         A. Van Hoorebeek et  S. Fisher

 

Un autre  spécialiste de  l’île, A. Van Hoorebeck[9],  fut le second  à parler de la pierre du Dr Reed : “une face comporte trois[10] lignes, l’autre face comporte 4 figures dans le style des pétroglyphes d’Orongo”. L’auteur se trompe au sujet du nombre de  lignes et la classe dans les fausses et douteuses. Il signale également que le Dr Campbell lui rapporta que les signes de la tablette de la collection Reed ressemblaient à celle de Londres et qu’il croyait qu’il s’agissait d’une imitation. Or la pierre Reed n’a rien à voir avec la petite tablette de Londres.  Elle est proche de la Tahua ou Item A, qui a appartenu à la collection des SS CC de Picpus en Belgique jusqu’en 1953.

 

Steven Fisher[11], spécialiste en épigraphie rongorongo et en linguistique, la cite dans son tout premier inventaire comme “rongorongo indeterminé ou douteux, lignes d’après Schulze-Mazier 1926,  planche 21 ou RR1”, ce qui veut dire la Tahua, qu’il codifie RR1 et donne un                   nº d’inventaire 1567-28 qui correspond à un os gravé, exposé au Museo Fonck. La pierre Reed a le nº d’inventaire 1035. Le livre de Schulze-Mazier a paru en 1932 et les dimensions que fournit S : Fisher (15x5.5 cm) revues par Gabriela Carmona, l’archéologue du Musée sont exactement : 15.2 x 6.8 x 1.2 cm.

 

 

 

Fin de l’étude bibliographique   

 

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[1] IMBELLONI, José. 1954 Runa Edition de la Facultad de Filosofia y Letras, Instituto de Antropologia de Buenos-Aires,  Volumen VI. Pp 231-234.

[2] Lettre en date du 14 avril 1954.

[3] Le Docteur Reed  fit don de sa superbe collection au Museo Fonck de Viña del Mar.

[4] La pierre fut donnée au Capitaine Reed entre 1948 et 1954.  Or Juan Tepano est décédé en 1947

[5] La coutume, au sujet du rongorongo est de traiter les Pascuans de menteurs et je m’efforcerai de changer cette coutume.

[6] BARTHEL, Thomas. 1958 Grendlaguen zur Entzifferung der Osterensel  Shrift. Univerditât Hamburg.

[7] Boustrophédon

[8] Nous ne pouvons que nous incliner devant la logique de Thomas Barthel, le meilleur spécialiste en épigraphie de l’époque. Une seule  remarque par rapport aux lignes de l’item A ou tablette Tahua, sur le site www.rongorongo.org, la pierre est plus proche du  verso b7/8 que du  recto a5. Voir l’analyse plus loin.

 

 

 

[9] Van HOOREBECK, 1979.  La vérité sur l’Île de Pâques. Edit. D’Antoine Le Havre. pp 255-256

[10] En réalité cinq lignes.

[11] FISHER, Steven Roger. 1995  A provisional inventory of the inscribed artefacts in the three rongongo scripts. Rapa Nui Journal Los Osos California.