LES PIERRES DE L’ÎLE DE PÂQUES GRAVÉES D’ÉCRITURES

© Lorena Bettocchi

 

Sauvegarde DIBAM  Direccion de Bibliotecas Archivos y Museos  Santiago de Chile

Tesis - estudios

 

Chapitre V : Recherches bibliographiques sur la pierre du Docteur Campbell.

 

 

 

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Doc 1. Figure 1 de la publication

 

La pierre apparut plusieurs fois en photo, sans qu’elle fut décrite, ni étudiée dans les publications du DOCTEUR CAMPBELL[1] qui en était propriétaire.

 

Et puis en 1982, lors du congrès d’archéologie de La Serena, elle fut présentée comme pièce originale comportant une écriture rongo-rongo, parmi les ngarua, c’est-à-dire des pierres sculptées, généralement de gros galets de basalte polis par la mer, utilisés á Rapanui aux temps anciens comme oreillers.

 

PUBLICATION :

RAMÓN CAMPBELL, HERMOSILLA NURILUZ, JOSÉ MIGUEL RAMIREZ 

La ngarua o almohada de piedra de la Isla de Pascua

Actes du 9° Congrès National            d’Archéologie. (Chili) Pp 269-283 - bibliographie page 284.

Editeur : Societad Chilena de Arqueologia – Museo Arqueologo de La Serena. (Chile)

 

 

·         1982 - R. Campbell, N. Hermosilla et    JM Ramirez :  Un article des actes du congrès d’archéologie de La Serena  titre

« Les ngarua ou oreillers de pierre de l’Île de Pâques »

 

 

Contenu de la publication

 

Vérifications et commentaires

 

Page 269. Introduction :

 

1)  Cette recherche débuta avec l’étude d’une pièce appartenant à l’un d’entre nous (Dr Ramón Campbell), qui présente trois lignes d´écriture hiéroglyphique, de système boustro-phédon imparfait. Elle fut complétée par 8 pièces appartenant au Musée d’Archéologie et de Sciences Naturelles de Viña del Mar (collection Federico Felbermayer), dont la nature lithique, la gravure des dessins et la forme correspondent  typiquement á notre description.

 

 

 

Page 271.  Description :

 

2)  Pièce n°1 (figure 1 a et b). Offerte à Ramón Campbell par le contre-amiral Jorge Videla Cobo qui l’aurait ramenée de l’Île de Pâques en 1930.

 

3)  La pièce a les dimensions suivantes : longueur 15,5 cm. largeur 10 cm.  Épaisseur maximum 4 cm. Son poids est de 1,015 kg.

Sa matière première est de basalte noir, lisse.  La pierre présente des dessins sur l’une de ses faces, plus précisément sur l’une des moitiés.

Lesdits dessins sont incisés, le sillon est net. Ils constituent trois lignes d’écriture hiéroglyphique avec un haut pourcentage de signes indentifiables comme typiques.

 

Sur un total de 42 signes, pour le moins 30 correspondant à des figures du Corpus Inscriptionum Paschalis Insulae.

 

4)  En accord avec les normes acceptées universellement, l’écriture commencerait par la ligne inférieure  sous l’axe longitudinal, de gauche à droite (10 signes).

 

5)  Elle continuerait par la deuxième ligne, la centrale, de droite à gauche, en tournant la pierre à 180° (12 signes).

 

6)  La dernière ligne serait la supérieure, de gauche à droite (20 signes).

 

Fin

 

 

 

 

1) Epigraphie : les auteurs de l’introduction  ne définissent pas ce qu’est un « système boustrophédon imparfait ».

Ce système d’écriture n’existe pas.  Deux signes sont gravés à l’envers, cela ne  peut se définir comme boustrophédon.

 

Les auteurs poursuivent page 270, en donnant une définition complète de ces pièces rencontrées dans les maisons d’Orongo, dans les hare-paenga ou bien dans des lieux cérémoniels comme Vinapu

 

 

 

 

2) Cette information reste à confirmer  en histoire maritime : les écrits de Francisco Mellen Blanco  laissent supposer la même  époque  mais quelques années plus tard[2].

 

 

 

3)  Cette affirmation reste à prouver en  épigraphie: par rapport au Corpus Inscriptonum Paschalis Insulae de Barthel, la pierre comporte un tout petit pourcentage de signes qui se rapprochent du catalogue de Barthel et non un haut pourcentage. 

 

Ce rapport est totalement faux  par rapport aux figures du Corpus Inscriptionum Paschalis Insulae. Les auteurs n’ont pas une connaissance basique du catalogue de Barthel.

 

4) L’écriture commence bien  par la ligne des 10 signes,  de gauche à droite.  (Difficile à observer par rapport au joli montage publié Doc. 1,  qui montre l’écriture à l’envers, ainsi que la pierre,  classée  dans le corpus des ngarua)

 

5) Faux : l’écriture n’est pas boustrophédon, le fait de tourner à 180°  permet ni la gravure ni la lecture de ces 12 signes..

Avis contraire selon mes études  : l’écriture  continue de gauche à droite pour les trois lignes.

 

6)      Précision  : la dernière ligne est la ligne inférieure gravée de gauche à droite, 20 signes.

 

Fin de l’analyse (Responsabilité : Lorena Bettocchi)

 

·         1986 -  Publication de Francisco Mellen-Blanco[3]

L’auteur d’un ouvrage très instructif sur les manuscrits de l’expédition espagnole de Gonzalez de Haedo en 1770, comportant toutes les cartes et les écritures de bord, consacre en même temps, un chapitre réservé à l’écriture et à l’esclavage et décrit deux pierres[4] de l’Île de Pâques comportant des  écritures.  La photo de la pierre figure page 201 avec la légende : phot.33 Pierre avec des inscriptions pascuanes. Collection Dr Campbell. Idéogrammes de ladite pierre.

La photo montre la pierre à l’envers,  la ligne la plus large, pour un profane pourrait signifier la première ligne  d’écriture, de lecture ou d’observation. 

Francisco Mellen Blanco spécifie que durant la réalisation de la maquette du livre, « il reçut du Docteur Campbell, la photo de cette pièce de basalte noir, comportant 48[5] signes au total.  Sa forme est ovale, avec les dimensions suivantes : 155 mm. de longueur, 99 mm. de large et 44 mm   d’épaisseur ».

Il précise que ce fut  Feu l’Amiral Jorge Videla Cobo qui la lui offrit. Et que celui-ci l’obtint d’un Pascuan durant l’un de ses voyages à l’Île de Pâques, alors qu’il était encore lieutenant, il y a de cela plus de cinquante ans[6].

Campbell lui signala bien ceci : « ces pièces sont très rares et qu’il y a peu de données qui en font référence, étant donné que la majorité des auteurs ne recueillent, au cours de leurs travaux que des données sur  l’écriture des pièces de bois. Le Père Gaspard Zumbohm fut le premier, dans l’une de ses lettres, à parler de pierres gravées de rongorongo ».[7]

Francisco Mellen Blanco signale que Campbell envoya des photos de la pierre avec le relevé de l’écriture à d’autres chercheurs en la matière. Thor Heyerdahl la considéra comme authentique et la classa parmi les pierres-oreillers (stonepillows). L’auteur ajoute : « Il paraît que certaines furent rencontrées enterrées, sous la tête des squelettes et que sans doute avaient-elles quelque lien avec celles signalées par Thomson[8] comme pierres fétiches, encastrées sous les fondations des maisons, connues comme Atua mangaro[9], qui protégeaient des mauvais esprits ».

Le Père Amerigo Cools archevêque général des SS. CC à Rome la qualifia de très intéressante et jolie ».

« Mais conclut Francisco Mellen Blanco, nous croyons que ces pierres de basalte noir nécessitent une recherche exhaustive, afin de démontrer leur prétendue authenticité, concernant aussi bien leur provenance que le texte qui s’y trouve gravé ».

L’historien fut prudent, même après la publication de 1982.

 

·         1990 -  Avis d’Alan Davis-Drake[10]

Dans son guide Layperson sur le rongorongo, partie IV, Alan Davis Drake fait état de cette nouvelle découverte : il présente en  fig.14 la pierre de R. Campbell (cette fois-ci les signes sont montrés dans le bon sens) et fig. 15, il présente la dalle détachée d’Orongo[11]  devant se trouver au Musée du P. Englert à Hanga-Roa. Il parle des conclusions de Madame Georgia Lee[12] : « des échos de l’écriture rongorongo sont communs dans l’art des pétroglyphes rapanui ».

Alan Davis-Drake émet une opinion sur la pierre ngarua du Dr Campbell qui comporterait des signes renversés, bien que ce ne fût pas systématique, écrit-il.

Et de conclure  « Closer investigation of these artefacts needs to be undertaken ».  Alan  Davis-Drake parle de  stone pillows dans sa legend et répercute des informations douteuses…

 

     J’ai eu la chance de clôturer l’enquête sur la pierre REED, cela m’a naturellement conduit à la pierre CAMPBELL et les conclusions seront présentées chapitre VI.

 

Doc 2. Relevés de la pierre Campbell disposés correctement à la manière d’Alan Davis-Drake.

 

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·         1995 -  Steven Roger Fischer [13],

Dans son premier inventaire, S. Fisher  codifie la pierre : RRp

« Amiral Videlia Cobo Stone », collection Campbell, Quilpué, Chili.  Basalte noir  15.5x9.9x4.4 – trois lignes boustrophédon, 48 glyphes[14], acquise en 1930[15] à Rapanui par l’amiral Videla Cobo.

Steven Fisher classe la pierre parmi les indéterminées ou douteuses. Et son observation des trois lignes boustrophédon aura pu s’inspirer de la publication de 1982. Il répercute donc également des conclusions douteuses.

 

CONCLUSION SUR CES PUBLICATIONS 

 

Sans étude épigraphique sérieuse et à partir de la première publication, on a déterminé que les  lignes étaient gravées boustrophédon ce qui est faux. Deux signes à l’envers ne peuvent  justifier cette spécificité de l’écriture pascuane.

Les publications ne sont pas d’accord sur le nombre de glyphes donc pas d’étude non  plus à ce  sujet : il ne suffisait pas de les compter, il fallait les comprendre.

La date,  1930, à laquelle l’Amiral  Cobo se procura la pierre est douteuse et reste à prouver.

Les dimensions et la matière pourront peut-être nous être fournies par le Kon Tiki Muséum qui me trouva bien impatiente, selon la  réponse par e.mail reçue le 1er février 2007. 

La réponse de Ingjerd Hoëm, nous laisse supposer qu’elle se trouve bien dans ce musée : le bruit avait couru que la pierre du Dr Campbell avait disparu au moment de l’héritage.  Ce n’était donc pas la vérité.

 

Annexe 1  traduction des  e.mails du Kon Tiki Museum

 

·         Du 1er février 2007

Nous sommes très conscients de votre demande et essaierons de la traiter rapidement. Cependant, nous sommes en train de changer notre exhibition permanente  et ne pourrons avoir accès à la pierre d’ici quelques jours.

·         Du 8 février 2007

La référence de la pierre rongorongo est : catalogue n° 4332

Et la pierre fut achetée à Santiago par le Professeur Arne Skjølsvold dans les années 1980.

Sincèrement vôtre,

Ingjerd Hoëm    Maître de recherche du Kon-Tiki Museum

 

 

Page suivante  La pierre Campbell vendue au Kon Tiki Museum  serait,  mais cela reste à prouver, un  nga-rua   

Il s’agit  d’une copie du livre de Schulze-Mazier, tout comme la pierre Reed  ( thèse contraire à  la publication de 1982 R. Campbell,   N. Hermosilla, J.M Ramirez). Recherches en épigraphie © Lorena Bettocchi DIBAM Santiago de Chile.

 

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[1]CAMPBELL, Ramón, docteur et musicien.  Publications comportant des chapitres sur l’écriture rongo-rongo :

1970. La herencia musical de Rapanui. Editorial Andrés Bello. Santiago ;

1970. Separadas de Anales del Museo de Historia Natural de Valparaíso: Nuevo tipo de escritura de la Isla de Pascua.

1974. El misterioso mundo Rapanui ;

1982. Congreso de arqueología de Chile, La  Serena : La piedra-almohada de la  Isla de Pascua.

 

[2] Armada de Chile interrogée, afin d’obtenir le suivi de carrière du Contre-Amiral et ses voyages à Rapanui.

[3] MELLEN BLANCO, Francisco. 1986.  Documents Espagnols de l’expédition Gonzalez de Haedo, éditions Cehopu- Madrid.  Pp200-203.

[4] Voir la pierre d’Arequipa (Pérou) chapitre IX

[5] ERREUR répercutée dans Fisher : 42 signes

[6]  L’édition de Francisco Mellen Blanco date de 1986

[7] Il y aurait  bien une phrase  d’un courrier recopié dans les annales de  la propagation de la foi de 1880, Volume VI, page 232,233 : le père Zumbohm parle de pierres portant des traces de gravures, rencontrées sur la plage : traces de gravures, ce qui n’exclut pas l’écriture mais ce qui inclut le pétroglyphe. Il ne donne pas la dimension des pierres.  Il ne spécifie pas s’il s’agit d’un ahu (ahu ihu arero par exemple), de dalles gravées[7] etc.  Catherine Routledge a rencontré une pierre gravée d’un homme-oiseau  (1914) - et Lavachery une autre pierre gravée d’un couple d’oiseaux (1935).  Bref ne perdons pas espoir, si ces pierres existent, nous en trouverons un jour !

[8] Dans son rapport, Thomson ne parle d’aucune pierre fétiche recouverte d’écriture rongorongo. Nous n’en avons pas observé dans son fonds documentaire (photos)

[9] Atua : Esprit/Dieu.  Mangaro : se réfère à la douceur, à la clémence. Vai mangaro : eau douce.

[10]   DAVIS-DRAKE, Alan.  1990.  A Laperson’s guide to Rongorongo. Rapa Nui Journal Vol. 4 n° 1, p. 9.

[11]  Non trouvée dans le magazin du Museo Englert,  aux dernières nouvelles et selon l’actuel conservateur,

[12]  LEE, Georgia 1992. The rock art of Easter Island, symbols of power, prayers to the gods. Institute of Université of California. Los Angeles.

[13]  FISHER, Steven Roger. 1995-  A provisional inventory of the inscribed artefacts in the three rongongo scripts. Rapa Nui Journal Los Osos California. P 178.

[14] ERREUR, 42 signes

[15] Même remarque sur la date qui n’est absolument pas certifiée.